Abraham Ardzivian était de ces prélats arméniens, qui appartenaient au Catholicisme avant la création d'une Eglise arménienne catholique séparée.
Formé à l'école du missionnaire Melkon Tazbazian, lui même élève du Collège Urbain de Rome, futur évêque de Mardin et martyr de la foi, le jeune Ardzivian entra au service du Catholi."os Petros II de Sis (Cilicie), également pro-catholique, qui le consacra évêque d'Alep (1710). Cela déclancha une lutte acharnée pour la pos-session du siège épiscopal de la ville.
En 1714, Mgr Tazbazian et Mgr Ardzivian furent arrêtés et condamnés aux galères au moment où les notables arméniens catholiques, réunis à Constantinople en séance pleinière et encouragés par certaine ambassade occidentale, procédaient à l'élec-tion d'un premier Patriarche arménier, catholique en la personne de Mgr Tazbazian.
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Mgr Ardzivian était de la trempe de ceux que l'adversité ne fait qu'aguerrir.
Libéré des galères grâce à l'intervention de ses nombreux amis (tandis que Mgr Tazbazian y décédait en martyr, Mgr Ardzivian, resté seul, est repris pour une ennième fois et emprisonné dans l'île de Rouad (1719-1721). Il obtient sa liberté à condition de ne plus remettre les pieds à Alep. Il se réfugie donc à Kreim (Ghosta, Kesrouan), où les frères Mouradian d'Alep avaient acquis un terrain, pour y bâtir un couvent et y mener une vie monacale.
Durant ces 17 années d'exil volontaire à Kreim, il participera à la fondation du monastère et de l'Ordre des Moines Antonins Arméniens, tout en gérant les affai-res de son diocèse d'Alep par l'intermédiaire de son vicaire le Père Hagop Hovsepian.
L'année 1738 fut faste pour les Arméniens Catholiques d'Alep. Ils eurent droit à une église pour y faire leurs dévotions, puis ils obtinrent le retour de Mgr Ardzivian à Alep, grâce au nouveau Pacha dont le secrétaire etait un arménien catholique.
Le moment semblait propice pour relancer l'idée de l'émancipation des Armé-niens Catholiques. Mgr Ardzivian rentra de nuit à Alep. Secondé par deux évêques grecs catholiques, il consacra trois nouveaux évêques, dont son vicaire Hagop Hov-sepian. Les trois nouveaux évêques, à leur tour, consacrèrent Mgr Ardzivian Patriarche des Arméniens Catholiques, le 26 Novembre 1740. A Rome, Abraham Ardzivian fut reçu à bras ouverts par le Pape Benoît XIV, qui après examens, lui conféra le 8 Décem-bre 1742 le Pallium, signe d'amitié et d'autorité partagée au sein de l'Eglise Romaine.
Comme il a été exposé dans les pages précédantes, l'existence de Patriarcat fondé par Mgr Ardzivian était illégale, d'après les statuts de l'Empire ottoman; par conséquent, le Patriarche et les siens devinrent objets de poursuite judiciaire perma-nente, dont les instigateurs furent naturellement ceux que l'initiative de Mgr Ardzivian avait le plus lésé.
Malgré les interventions des ambassadeurs occidentaux (dont la tiédeur était motivée par celle de Mgr J. Bona, Vicaire latin de Constantinople) en vue d'obtenir un bérat impérial, le Patriarche dût renoncer à son projet initial de s'installer à Cons-tantinople et rentra à Kreim.
Une vraie épopée allait commencer. Une épopée qui a déjà 250 ans.
Chassé dans un recoin de la montagne libanaise, ayant pour tout effectif humain 5 évêques et quelques 22 moines antonins arméniens, tout était à reconqué-rir. Le vieux Premier Patriarche, épuisé par ses labeurs apostoliques, les harcel-lements et les dures prisons ottomanes, alla rejoindre son Seigneur pour se reposer auprès de Lui, cinq ans après son élection à la dignité patriarcale.
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