Չորեքշաբթի, 12 Օգոստոս 2015 - Գահակալութեան առթիւ Ամենապատիւ եւ Գերերջանիկ Տէր Գրիգոր Պետրոս Ի.ի Անդրանիկ Պատգամը (Ֆրանսերէն)

 

Beirut

 

Homélie pour mon installation comme Catholicos Patriarche

Bzommar. 9 août 2015

À l'heure où j'assume la lourde charge de Père & Chef de l'Église arménienne catholique, je ne peux que chanter avec la Sainte Vierge Marie, notre Mère : "Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ; il s'est penché sur son humble serviteur. Le Puissant fît pur moi des merveilles ; Saint est son nom {cf. Le 1, 47-49).

Que puis-je dire, en effet, de plus éloquent que de rendre grâce au Seigneur pour m'avoir appelé, par la voix de mes frères évêques et malgré mon âge avancé, ma faiblesse et mon indignité, à servir à mes frères et sœurs de l'Église arménienne catholique.

Avril 1915 : mon grand-père paternel est déporté et martyrisé avec l'arche­vêque Ignace Maloyan à Mardine en Turquie ; ma grand'mère part avec ses 3 enfants en bas-âge à la recherche de son fils aîné, mon père. Elle est prise en dehors de la ville et jetée dans une citerne vide par ses bourreaux qui, pour l'achever, lui jettent de grosses pierres sur la tête. Elle ne pouvait évidemment pas imaginer que cent ans après, son petit-fils Grégoire, âgé de 81 ans, allait être précipité dans la marmite patriarcale (pardon pour cette expression peu respectueuse à l'égard de mes frères patriarches) (précipité) par la volonté bienveillante et insistante de ses frères évêques, manifestement inspirés par l'Esprit Saint.

Pris de peur comme Saint Pierre qui, marchant sur les eaux et sur le point de sombrer, appela Jésus au secours, j'ai immédiatement demandé à notre Bon Pape François s'il m'encourageait à accepter mon élection et s'il me donnait sa béné­diction; ce qu'il fît presque aussitôt. Une élection inouïe ! Car il n'a jamais été rapporté dans l'histoire de l'Eglise universelle qu'un évêque à la retraite âgé de 81 ans ait jamais été élu Chef et Père de son Église ! Les voies du Seigneur sont décidément impénétrables !

Il est vrai que le pape François a déclaré lors de sa première apparition sur le balcon de la place Saint-Pierre à Rome que ses frères cardinaux étaient allés le chercher très loin, dans l'espace, pour l'élire évêque de Rome !

Je peux dire, à mon tour, que mes frères évêques sont remontés bien loin, dans le temps, pour élire à 81 ans, le successeur de notre très regretté Catholicos Patri­arche Nersès Bédros XIX qui, d'une certaine manière, m'a renvoyé l'ascenseur ! Il se doit maintenant de m'assister fraternellement et efficacement pour que je poursuive, pour le peu de temps qu'il m'est donné de vivre, la belle œuvre qu'il a réalisée et qui reste comme une symphonie inachevée.

Mais que puis-je faire, et comment faire ? Ma réponse, je l'ai trouvée chez la petite Thérèse de Lisieux que j'ai connue ici, au petit séminaire de Bzommar il y a 68 ans, une sainte que j'ai aimée et adoptée comme ma petite sœur spirituelle. Elle m'apprend, elle, le plus jeune docteur de l'Église, qu'à mon "quatrième" âge, je dois dire comme elle, à son premier âge, "dans l'Église, ma Mère, je serai l'Amour..." et "aimer, c'est donner et se donner soi-même" !

Voilà tout tracé, mon programme de Catholicos Patriarche ! Aimer, à la manière d'un grand-père, voire d'arrière-grand-père.

Car, je dis comme le dit le psalmiste (Ps 130) : "Seigneur, je n'ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ; je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent. Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère".

J'ajoute que, comme vous pouvez vous en douter, mon ministère patriarcal ne durera pas longtemps, je vous promets, encore une fois à l'exemple de notre petite Thérèse et avec elle, que je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre, notamment là où les Arméniens, rescapés miraculeusement du génocide de 1915, ont été recueillis et accueillis comme des êtres humains, sinon comme des frères et des citoyens à part entière dans les pays où ils ont pu retrouver peu à peu leur dignité, leur liberté et leur fierté d'hommes, d'arméniens et de chrétiens, qui se sont reconstruits et ont contribué un tant soit peu à la prospérité de leur patrie d'adoption.

Il m'est un devoir de citer ici tout particulièrement deux pays : le Liban, sous mandat français en 1919, et la France. Les Arméniens n'oublieront jamais qu'en 1919, ce fut Sa Béatitude le Patriarche maronite Elias Howayek qui a largement ouvert son cœur et ses bras d'homme de Dieu et fait accueillir au Liban, sous mandat français, les Arméniens en déshérence sur les mers, dont personne n'en voulait, et qu'il appelait affectueusement et magnanimement ses enfants.

Aujourd'hui, c'est tout le Liban, le petit Liban, notre cher Liban qui, fidèle à son hospitalité légendaire, accueille, à la face des pays occidentaux frileux et calcu­lateurs, des centaines de milliers de ses frères et sœurs en humanité qui fuient la guerre, la violence, les massacres et la mort, en quête de paix et de liberté.

À partir des années 1920-1922, les Arméniens immigrèrent en grand nombre en France par vagues successives où ils forment aujourd'hui une communauté française d'origine arménienne bien intégrée, forte d'un demi-million de personnes. Et nous devons rappeler avec gratitude que la France a été la toute première nation au monde à reconnaître le génocide arménien de 1915 qui a coûté la vie à près d'un million et demi de nos compatriotes.

Je tiens aussi à rendre un hommage vibrant et fraternellement reconnaissant à l'Église de France qui a pris sans tarder en charge spirituelle et pastorale nos fidèles arméniens catholiques dès leur installation dans ses différents diocèses, et ce, jusqu'à la création de notre structure ecclésiale propre d'Exarchat apostolique et d'Éparchie dans lesquelles j'ai servi pendant 36 ans en tant que membre à part entière de la conférence des Évêques de France.

Me voilà donc aujourd'hui de retour au Liban, pays de mon enfance, de ma jeunesse, de mes premiers ministères de prêtre. Je viens partager vos peines, vos angoisses, vos peurs du lendemain, en un mot, porter avec vous votre croix qui n'est autre que la croix du Christ dont l'agonie durera, comme l'a dit un grand penseur, jusqu'à la fin des temps. Je viens vous rappeler, nous rappeler, s'il en est besoin, que le même Jésus, Fils de Dieu fait homme, a cloué sur sa croix la haine et le péché, que par sa mort il a vaincu la mort, et qu'il nous dit, comme jadis à ses disciples, que lui, la Résurrection et la Vie, est avec nous jusqu'à la fin du monde.

Dès lors, si le Christ est avec nous, qui peut être contre nous. Avec Saint Paul osons proclamer tout haut: "Qui pourra nous séparer de l'amour du Christ ? La détresse ? L'angoisse? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Les dangers ? Le supplice ? En tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés" (Rm 8, 35.37).

C'est donc en pleine connaissance des difficultés qui m'attendent, mais avec une confiance infinie dans la Providence divine, ainsi que dans la collaboration fraternelle de mes frères Évêques, que j'assume ma mission de Père et Chef de l'Église arménienne catholique. Je compte aussi sur la solidarité sincère de mes frères, les Patriarches et les Archevêques et Évêques de Églises-Sœurs, étant pleinement convaincu que c'est main dans la main que nous pourrons affronter et surmonter les multiples défis qui se posent à nous en ces temps tumultueux qui agitent le Moyen-Orient. Je pense surtout à nos frères chrétiens de ces régions qui vivent les premiers temps du Christianisme, à travers les exactions, les déportations et les massacres inhumains dont on ne voit toujours pas la fin. Que Dieu, notre Père, dans son infinie bonté, les assiste, les protège, les bénisse et les garde dans son amour ! Amen.

 


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