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1) Les Chrétiens dans l'Empire Ottoman
«En raison de leur conception théologique de l'Etat, les Turcs classaient leurs sujets non musulmans d'après les Eglises auxquelles ils appartenaient, sans se soucier de leur nationalité C'est ainsi que le 'roum milleti', la nation des Grecs,. comprenait tous les chrétiens de rite grec: Bulgares, Serbes, Roumains, Albanais orthodoxes et même Arabes melkites de Syrie, aussi bien que véritables Hellènes.
«Le Patriarche œucuménique (de Constantinople) qui, d'après les canons, n'avait juridiction que dans les limites de son Patriarcat, c.à.d. dans la Thracie et l'Anatolie, devint le chef civil de tous les chrétiens de rite grec, qui formèrent la 'nation des Romains'. |
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«Un peu plus tard, (vers 1461, A.Gr.) un Patriarcat arménien fut institué (à Constantinople) et son titulaire reçut, sur ses corréligionnaires, les mêmes po~voirs que le Patriarche grec sur les siens». (Colonel Lamouche, Histoire de la Turquie, Paris, Payot, 1953).
Par conséquent, en vertu des lois en vigue.ur, les Armeniens, apostoliques, catholiques ou évangéliques, sujets de l'Empire ottoman, étaient tenus à se soumettre à l'unique autorité religieuse et civile du Patriarche Arménien de Constantinople, qui en outre surclassait auprès de la Sublime Porte le Catholicossat arménien de Sis, canoniquement son supérieur, car il représentait l'autorité du Sultan. Tout contrevenant tombait sous les coups de la loi ottomane.
«Les chrétiens s'administraient eux-mêmes dans leurs communautés conformément à leu~s coutumes propres, dans leur propre langue, sous la direction de leur évêque, assisté d'un conseil laic. Dans le régime turc on est membre de sa communauté avant de l'être de l'Etat, lequel n'est que superposé.
«Les communautés chrétiennes pouvaient prélever, sur leurs membres, des taxes pour les besoins religieux et culturels, créer et entretenir des écoles et des établissements de bienfaisance Les affaires de statuts personnels, mariages, divorces, successions et testaments, ressortaient des tribunaux religieux chrétiens». (Jawad Boulos, Les Peuples et les Civilisations du Proche Orient, vol. V, Beyrouth, Dar Aouad, 1983).
Ainsi donc, il était interdit aux Arméniens catholiques d'avoir leur propre chef religieux, leur propre clergé, leurs lieux de culte, leurs propres tribunaux. Ils étaient tenus à frquenter les seules églises du Patriarche, à s'y faire baptiser, à se marier, à s'y adresser pour toute formalité judiciaire.
Dans l'Empire ottoman, il existait aussi une communauté latine, composée d'Européens, des membres d'ambassades occidentales et de l'ancienne colonie latine qui y vivait bien avant la conquête de Constantinople par Mahomet II (1453). Les latins jouissaient de la liberté religieuse, avaient leurs propres églises, leur clergé, même un Patriarche représenté par un Archevêque-Vicaire patriarcal. Ces libertés leur étaient assurées grâce aux Capitulations (1535) et à la présence des ambassades occidentales.
Dans l'Empire ottoman, il y avait donc deux sortes de catholiques: ceux qui étaient per-sécutes pour leur catholicisme (tels les Arméniens catholiques) et ceux qui pouvaient vivre et exhiber leur croyance en toute liberté, poussant les chrétiens persecutés à se rallier aux chanceux. |
2) L'Eglise Arménienne Catholique est-elle une Eglise Uniate?
Le Patriarche Abraham Petros 1 Ardzivian n'est pas le fondateur du Catholicisme arménien. Les Arméniens catholiques existaient bien avant lui.
Mgr G. Amadouni, dans «L'Eglise Arménienne et le Catholicisme», (Venise 1978), (pour ne citer que ce livre parce qu'écrit en français), après avoir démontré la permanence du Catholicisme dans l'Eglise Arménienne par la présence de personnalités, Catholicos, Evêque et Prélats de l'Eglise Arménienne en union avec l'Eglise Universelle, conclue avec d'autres historiens:
«L'Eglise Arménienne Catholique n'est pas une Eglise Uniate. Elle est l'héritière suivie, dans sa plénitude et de la foi et de la communion ecclésiale catholique, de l'Eglise Arménienne hiérarchisée par St. Grégoire l' Illuminateur, poursuivie par les Saints Nersès, Sahak et Mesrop et par leurs fidèles continuateurs. Elle ne peut pas être rangée parmi les communautés ecclésiales catholiques, constituées en Orient à partir du XVIe et XVIIe siècles dans la sphère byzantine, appelées Uniates.
According to these notions, to call the Armenian Catholics "concordants" will mean to pervert the History" (Bishop Garabed Amadouni).
«Tous ces hiérarques que nous avons cités, ont été comme le fil conducteur de la trame catholique de la chrétienté arménienne, du début jusqu'au XVIIIe L'initiative de l'an 1742, prise à Alep par l'évêque Mgr Abraham Ardzivian de reconstituer une Hiérarchie à part pour les Arméniens catholiques, n'est que l'enchaÎnement à ce fil conducteur». (G. Amadouni, o.c. pp. 65 sqq.).
3) Les Arméniens Catholiques avant Mgr Abraham Ardzivian
Bien avant donc Mgr Ardzivian, l'instaurateur du Patriarcat Arménien Catholique, le Catholicisme arménien existait déjà un peu partout: d'abord dans les territoires de l'Empire ottoman: à Constantinople, à Alep, à Mardin, etc., ensuite en dehors de L'Empire Ottoman: à Ispahan, à Nakhitchévan, en Crimée, en Pologne, en Transylvanie, en Italie.
Mais cette chrétienté arménienne catholique restait sous l'autorité de hiérarques et de missionnaires aux rites et aux nationalités hétéroclites. Le Catholicisme Arménien existait sans une Eglise Arménienne Catholique constituée. L'initiative de Mgr Ardzivian consista à regrouper ces fidèles arméniens catholiques sous la houlette d'un seul pasteur. |
4) Une Eglise Arménienne Catholique, pour quoi faire?
D'aucuns opinent qu'une Eglise Arménienne Catholique, séparée de l'Eglise Arménienne, n'aurait pas dû exister, estimant que l'Eglise Arménienne est à considerer catholique et materiellement (par ignorance ou malentendu doctrinal) séparée de la Catholicite. Ce fut donc, disent-ils, une erreur tactique de s'en détacher; il fallait plutôt la conquerir de l 'interieur, grâce à la superiorite culturelle dont jouissaient les catholiques.
D'autres, par contre, encourages sur cette voie par certains ambassadeurs occidentaux, essayèrent de parvenir à l'unite ecclésiale à travers le dialogue avec le Patriarcat Arménien de Constantinople. Mais ces tentatives de rapprochement, commencées en 1701 et poursuivies jusqu'en 1830, échouèrent à causes des réserves soulevées tantôt par l'une tantôt par l'autre partie.
Le fin fond du problème consistait, en fait, de savoir si l'Eglise Arménienne devait être consideree comme unie au Catholicisme ou separee de lui.Deux grands courants s'opposaient au sein de la communaute armenienne catholique, surtout à Constantinople. Selon l'une ou l'autre des interpretations, la communication in divinis était permise ou refusée aux Arméniens catholiques.
Les partisans de la première opinion pratiquaient allégrement la communication in sacris, tandis que pour les Arméniens catholiques formés à l'école des missionnaires, ce dilemme creait un problème, qui aboutit à une veritable crise de conscience collective et qui les poussa à envisager sérieusement l'idée d'une emancipation de la tutelle du Patriarcat Armenien de Constantinople.
Une première tentative d'émancipation échoua tragiquement en 1714, à Constantinople, ou Mgr Melkon Tazbazian, évêque de Mardin, venait d'être designé. patriarche arménien catholique par l'assemblee des prelats et notables arméniens catholiques. Dénoncés, les participants furent arrêtés, emprisonnés ou exilés. Parmi les condamnés aux galères, il y avait l'evêque de Mardin, ainsi que Mgr Ardzivian.
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